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SOUS LE SAULE PLEUREUR

Juste que dimanche après-midi, J'avais deux heures à tuer, à tout prix. J'ai voulu prendre de ses nouvelles, La vieille dame âgée à l'ombrelle, Primesautière âme du village, l'aînée. J'ai traversé les chemins de traverse. Ai battu le pas sous la forte averse. Les murs plus gris qu'une peau de souris, Une tristesse implacable de placards Aussi lourde qu'un épais brouillard. Arrivée à sa porte, volets clos en bannière. Dressés telle une horde de barrières. Mes yeux mouillés à chercher son ombre, A me demander depuis quelles plombes Elle avait quitté à petits pas notre univers. Me suis remémorée alors mes visites d'antan, Là où, sous le saule pleureur, les oiseaux chantant Honoraient l'été, elle, à siroter un dé de Porto comme Elle aimait tant, douces compotes de pommes Qu'elle confectionnait avec amour et talent. J'en rapportais à la maison, toujours une occasion De la revoir, même si elle n'était pas loquace Elle appréciait mon sourire et mon brin d'audace. Nous étions nées complémentaires à l'unisson Mais ce jour, les tentures sont tirées sans raison. Ce qui m'a interpellée, c'est la boîte aux lettres Qui débordait. Ma carte de voeux aux oubliettes. Les voisins qui ne la voyaient passer sans se poser Plus de questions. On reverra bien la Renée Lorsque l'hiver daignera courir à sa perte. Désormais, la cour est envahie de mauvaises herbes. Le banc est solitaire, le jardin en forme de gerbe Emplit tout l'espace de son chagrin d'orphelin. J'aurais bien envie d'entrer par effraction Ouvrir les fenêtres en accordéon, jouer du clairon ! Le saule pleureur se penche dans la rivière Et les larmes qui perlent au seuil de mes paupières Se souviennent de la solitude d'un être de lumière. Il n'y a pas d'âge pour aimer, ni pour mourir, Juste que ce soir, ma peine, je ne peux contenir. D'après une de mes photos. Hommage à Renée.


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