REVEILLE-TOI

Plus le temps, Plus personne ne prend le temps, Personne n'a du temps pour personne. On prend juste de son temps Pour se rendre aux enterrements, Au chevet des mourants, Et à courir tout le temps, On chope des maladies, On devient moins marrant, On sombre dans la mélancolie, On devient de sa vie, un errant. Plus le temps, tout devient urgent ! A ne plus savoir reconnaître Ce qui est réellement important, Trop occupés à plaire, à paraître, Seigneur, comme c'est préoccupant ! Plus personne ne prend le temps De s'appeler au téléphone, C'est le silence qui résonne Dans les murs creux du présent. Alors on devient vite vieux, On n'a pas fait de son mieux A courir obstinément Après ce temps absent, Onéreux et précieux, Flattant réussite et argent. Et maintenant ? Il y a un tas de gens Qui, malencontreusement S'attirent comme des aimants Mais passent, par manque de temps, Parfois, deviennent quand même amants. Et la vie s'écoule, à contre-courant. On se souvient quand on était enfant, Graine de garnement, On entrait dans les rangs, A l'école, colonies ou camps, On avait toujours bien le temps. On se remémore nos grands-parents, Les rires, les gâteaux et les chants, Les journées au jardin d'agrément, A cueillir les fleurs du printemps, A courir gaiement à travers champs, Tout paraissait lent, Doux et insouciant ! Mais maintenant, Plus personne n'a le temps. Pour écrire une lettre, Ouvrir porte et fenêtres, S'asseoir sur un banc, Discuter avec le voisin clopinant. Faut prendre rendez-vous Dans un monde pressé, C'est à devenir fou Alors qu'on a encore tant à donner. Un beau jour, c'est évident, On s'éveillera encore vivant Enfin, j'ose l'espérer Et on dressera le bilan De toutes ces années Perdues à s'faire des cheveux blancs, Ces heures de rien, de tourments, A pleurer sur son sort, tristement Le coeur lourd de mille ans Mais autour de toi, y aura plus personne, Parce que les autres auront fichu l'camp.

D'après une photo de Pavlina Luuna, publiée avec son autorisation.