PROMISE
- florencequoilin18
- 8 févr. 2018
- 2 min de lecture
Je porte ce prénom, ma seule et véritable identité. La terre promise, une nouvelle vie, l'eldorado. Ceux qui l'ont choisie pour moi, derrière mon dos. Déracinée et dans une vitrine, un avenir tout tracé.
Je me présente. Je suis nigériane, j'ai quatorze ans. Je me souviens bien des prémices, le jour de l'An. D'abord, il y a eu cette terrible cérémonie vaudou, Je revois les colliers de perles pendus à mon cou.
Ils étaient là à incanter autour de moi, comme des fous.
J'entends encore leurs rires, et dans mes souvenirs, Je me remémore ce long voyage où tout est si flou : La Méditerranée, droguée, esclave prête à servir.
J'ai échoué en Italie, troquée pour des milliers de Naira Puis dans un bordel, gare du Nord, où certains gars Me contraignent à des bassesses dont j'ai honte Mes rêves s'éteignent, j'voudrais qu'on me raconte
Comment j'en suis arrivée là et pourquoi moi ? Prise au piège dans une patrie corrompue et aux abois. On m'a emmenée de force pour subvenir aux besoins De ma famille. Faut surtout qu'eux ne manquent de rien.
Je travaille à la chaîne comme à l'usine, certaines. Partout : dans les métros, sans capote sous les capots, Je tripote, je triple ma recette à gogo, je joue au travelo, Je fais du mieux que je peux ce boulot à l'ancienne.
En proie à leurs fantasmes, je vends mes charmes Pour à peine cinq euros. Parfois, sous la menace d'une arme. Il m'arrive d'avoir peur. Je côtoie un univers de frayeur Où mon esprit se perd dans des dédales de terreur.
Mais je dois songer à rembourser ma dette, ma priorité. Plus tard, de toute manière, je serai "mama" maquerelle Je n'ai pas d'autre solution si je désire, chez moi, rentrer Et dénoncer le réseau qui m'emprisonne et m'ensorcelle.
Mais vais-je trouver la force de fuir et savoir où aller ? Je me nomme Promise, je suis damnée à tout jamais...
D'après une photo de Christian Molitor, publiée avec son autorisation.
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