FAUX-FUYANT

J'étais môme. Cela a débuté dans le grenier. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. J'ai fouillé dans des valises et des malles, Ce qui aurait pu venir à bout de mon mal.

J'ai déniché des fripes extravagantes, Une panoplie de tenues soyeuses, brillantes, Du fard à joues, une vieille cape usagée Flanqués au milieu de revues empoussiérées.

Croisant le regard d'une ombrelle en dentelles, Je me promenais nu tel un oiseau sans ailes. Tandis que le parquet craquait sous me pas, Je m'imaginais autrement; je m'y voyais déjà.

Sur un podium, applaudi, ovationné, reconnu, Alors qu'en fait, je ne savais somme toute plus Qui j'étais vraiment : un enfant, un homme, une femme, Les volets de mes paupières débordant de larmes.

En proie à un déni d'identité, mon mal-être affirmé. Fallait que je change de sexe et certes, de contexte. Me sentir enfin libre d'exister, d'être accepté Pour ce que j'étais et ce, sans aucun complexe.

Je n'ai jamais eu à idée de plaire, de convaincre Mais venir à bout de ma souffrance, la vaincre Comme on gagne obstinément un combat Qui a trop duré, dont on devient à la longue, las.

Je n'ai pas à me justifier par rapport à mes choix. Je désire juste trouver en moi, désormais, la paix. Peu m'importe qu'on me cloue les bras Pour le moment que je puisse encore respirer.

Je suis un drag queen, un homo, un travelo, Sur la scène, ma voix se couvre de trémolos. Je déambule dans des chaussures de vair Sur des planches où je ne touche plus terre.

Incompris, reluqué, raillé de toutes parts, J'ai appris à me protéger de leurs regards. Je me remémore les moqueries de mon enfance, Déjà à cette époque, j'avais songé devenir trans.

Il n'est jamais trop tard pour arriver à ses fins. Je n'ai pas à l'esprit de passer pour un usurpateur. Simplement revendiquer, avec tout mon coeur Mon statut de masculin à féminin, ni plus ni moins.

D'après une photo de Christian Molitor, publiée avec son autorisation.