top of page

L'ETRANGER

  • florencequoilin18
  • 29 sept. 2017
  • 3 min de lecture

Je suis parti sans rien, délaissant mes proches. Sans bagage. Juste mes mains dans les poches. Quand j'étais môme, on me faisait des éloges De belles destinations : Londres, Rome, Paris. J'ai fui une noble patrie, j'ai laissé ma famille, Mes amis, la sûreté de mes lendemains Parce que ce que me proposaient les geôliers De mon destin ne me concernait en rien. J'ai largué un métier pour qui j'aurais tout sacrifié, Un toit, des racines, mes voisins, mes aînés. J'ai décampé d'un régime injuste et totalitaire Au risque de me retrouver au seuil de la misère. J'ai préféré sauver ma peau. Et loin de moi L'idée de devenir un héros. Juste fuir ce chaos. Je découvre la route, ses déroutes, les cloques aux pieds, Les courbatures, les coups de bâtons, les doutes, Les fils sous les clôtures, les vêtements déchirés, La peur au ventre, la saleté, la faim et le froid Mais j'ai toujours à coeur de vivre le meilleur, D'occulter le pire, mon chagrin, mon émoi. Je vis dans la terreur, j'ai les yeux cousus J'avance à cloche-pied. Je suis mort, je suis nu, Enfin, pas encore tout à fait... J'espère et je me tais. Sur mon chemin, j'en croise d'autres, on se mêle, On se raconte nos frayeurs, ce qui nous interpelle, Les radeaux, les passeurs, nos regards embués. Là où tous, nous avons perdu notre identité, Nous rêvons encore d'une autre Entité, Une terre d'accueil où nos frères nous attendraient. Et je marche, je marche, je cours, je me dis Ca va aller, ça va aller, ça doit aller, ça doit aller, C'est juste un très dur moment à passer. Et je traverse les frontières, les guerres, tant pis. Je veux y arriver ! Je serai toujours un exilé Mais je serai libre, libre de vivre et d'aimer. Et j'y crois, j'y crois parce qu'on me l'a appris, Cela fait partie de ma foi, de mon autonomie. J'exècre la captivité, la censure, l'autorité, Les abus de droit, les cultes de la pensée. Je suis comme je suis, je le reconnais Mais en aucune manière, je ne me renierais. Je n'ai pas envie de plaire ou de déplaire, Je n'ai ni règle, ni loi. Et vivre en enfer Ne m'effraie pas. Je préférerais le paradis Mais bon je n'ai pas choisi, je crois Le trottoir sur lequel je suis né, n'est-ce pas? Je suis un fuyard, un oiseau migrateur. Je n'en pouvais plus des bombes, De l'ombre, de la suie, des hécatombes, Des tirs de roquettes, des cachettes, Des greniers dévastés, de mes paniques secrètes. Je suis un homme de valeur, un tantinet rêveur. J'éprouve ce souhait d'apercevoir des couleurs, Des arcs-en-ciel, des levers de soleil, des fleurs, Des champs de blé où pousserait le bonheur. Je ne sais plus qui je suis. Je suis sans-papier. Cela fait maintenant des années que j'évolue Au sein d'une même et unique communauté Au pied de funestes campements de fortune, Dans des parcs, enroulé dans un sac de papier, Alors que j'admire les étoiles et la lune. J'avoue que je ne sais pas qui je suis devenu. Tandis que je m'éveille le matin, l'air égaré et perdu Dès lors que j'ose le geste de ma main tendue, Je les vois passer, si tracassés, le pas pressé. Certains en viennent même à se disputer. Je tends l'oreille et leurs mots bêtes et cruels Me blessent. Mais dans quelle société Peuvent-ils laisser de côté une vie aussi belle ?

Je suis juste un homme de valeur, un tantinet rêveur, Un immigré, une graine d'amour abandonnée, Je serai à tout jamais un étranger.

D'après une photo de Ablib photographie publiée avec son autorisation.


Comments


© 2023 by The Book Lover. Proudly created with Wix.com

  • Grey Facebook Icon
bottom of page