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UN CONVIVE A LA DERIVE

  • florencequoilin18
  • 3 juin 2017
  • 2 min de lecture

Il aurait pu y passer ses nuits, à lire, des autres, les écrits Jusqu'à taire ses frustrations, à occulter ses réflexions. C'était un gars érudit. Il voulait juste s'instruire. Alors, il s'est mis à écrire, à conquérir les mots, A boire jusqu'au buvard, l'encre de ses maux. A y croire tellement fort, jusqu'à y laisser sa peau. Je le revois encore, assis sous le préau A réciter des citations, à tort ou à raison Mais avec tant de passion et le verbe haut, Un poète en herbe, fervent de proverbes. J'ai eu en tête d'aller à sa découverte, A tâtons, apprendre à mieux le connaître. Doucement, je me suis mise sur son tempo. Il déclinait la poésie en vers, slalomait sous le slam, Avec, comme unique compagnon, un tam-tam. Il tâchait de retenir l'attention des quidams. Il rêvait à un autre monde là où son charme Aurait opéré. A tout prix, ne plus se sentir seul. Etre reconnu, être porté aux nues Telles une parfaite recrue, une belle âme. A tout jamais, de son passé, faire le deuil. Un beau jour, il en a eu marre du tintamarre, Du brouhaha qui régnait dans sa tête, ses espoirs Réduits à néant. Ses tourments, à la surface, flottant. Alors il est parti, il a pris un train, à 11 h environ. Sur son chemin, il a rencontré des vauriens, Des petites frappes, des truands, des bons à rien. Il a voulu jouer au malin, un flingue à la main. Il entrait dans les bars, on lui servait à boire. Il bourrait sa pipe ou fumait le cigare sous le regard Ahuri d'autres abrutis, de funestes zonards. Il est devenu maquereau, trafiquant de marijuana, Il était sur le pied de guerre à la sortie des lycées A zieuter les plus faibles, à draguer les nanas. Il avait bien le tour, c'était un troubadour, un sorcier, Un beau parleur, un manipulateur, un flagorneur. Dans les ténèbres, il déambulait dans les rues, Semblable à un chat errant, il ne dormait plus Depuis longtemps. Il ne parlait à personne. Ses partitions d'automne, il les avaient perdues De même que ses illusions. Il était nu, en somme Face à son abnégation. Il avait abdiqué Sous le joug de ses mauvaises fréquentations. Au début, c'était pourtant un bon garçon. Ses parents lui avaient inculqué des valeurs, A ce que je sache, il avait plutôt bon coeur. Il avait bénéficié d'une irréprochable éducation. Il était premier de classe, on lui mettait la pression. C'est même lui qui proposait au prof des dissertations. Il avait appris le solfège, pris des cours de violon. Rien n'aurait pu laisser présager une telle destinée. Né au sein d'une famille de bourgeois-bohème. Il aurait pu devenir médecin, avocat, le énième Maillon d'une société de surconsommation. Mais bon, au plus profond de lui, il y a eu un déni, Un revirement, cette hantise, cette crainte de l'ennui, Voir autre chose, partir à la dérive tel un convive D'une autre vie, comparable à un bateau ivre.

D'après une photo de Christian Gallet, publiée avec son autorisation.


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