ELIANE

florencequoilin18
26 mai 2017
2 min de lecture

Ils la voient passer Sous un ciel diaphane, Elle désarme, elle charme. Les hommes se pâment Et finissent par la convoiter.

Ils la voient exhaler De son bec, la fumée Le noir de ses yeux creuser L'encre de son coeur noyé Dans des torrents de larmes.

Ils la voient se pavaner Sous son paréo doré, Parée de mille maux, Sa jeunesse fustigée Par de terribles mots.

Ils la voient onduler Tel un serpent éventré, Dont la langue de vipère N'aurait cessé de se taire. Et de son poison, elle renaît.

Ils la voient se heurter A des murs de pierres, Aux parois de l'enfer Où le bûcher en cratère L'a conviée à s'ensorceler.

Ils la voient se déshabiller A l'ombre des hêtres pourpres D'où chaque feuille est tombée, Là où désormais s'embourbent Les tracteurs dans l'herbe souillée.

Ils la voient forte et fière, Fendre son coeur de pierre Faire trembler la terre, Porter la croix à défaut de brassière Dont elle aurait enveloppé son bébé.

Ils la voient boire et brailler, Rouler sous la table, chanter, danser Rire aux éclats, entendre des voix, Répondre aux propos grivois, Etre vivante et morte à la fois.

Ils la voient marmonner, sermonner, En vouloir à la terre entière, Ne pas savoir pardonner, Jusqu'à en tuer père et mère Dans un requiem de misère.

Ils la voient s'éparpiller Tel un nid de poussières, Un sac de noisettes sec orné De secrets désuets Dont la coque s'est brisée.

Ils la voient belle et légère Sous le couvert d'une silhouette Flatteuse, à l'allure altière, Semblable à une bergère Protégeant son troupeau, une berbère.

Ils la voient rêveuse, envoûteuse Alchimiste d'un jour, voleuse De moments de velours, Détournant de leur route, les troubadours Ses compagnons de fête en déroute.

Ils la voient sans la connaître, Sa longue chevelure qui se déploie En cascade, sur ses épaules carrées. Le dos courbaturé, la peau lézardée Par tant de cruels et inutiles combats.