MOURIR D'ECRIRE
- florencequoilin18
- 17 mai 2017
- 2 min de lecture
Exsangue de sang, de corps, d'âme, d'esprit, Je suis tellement sous l'emprise de son charme Que plus rien ne me désarme, n'aiguise mes sens, N'attise le feu de mes rêves en partance, Excepté, à mes côtés, son indispensable présence. Je crève à petit feu. Je souffre en silence. Mes jours sont vides de sens, je m'impatiente D'attendre le soir où, jusqu'à plus soif Je peux enfin m'enivrer du buvard de mes paraphes. Elle occupe mes pensées à chaque instant, Elle peuple mes nuits, elle apaise mes tourments. Si belle, si douce, fragile, agile, elle joue De mes doigts tactiles, se teinte de mon émoi, Laisse vagabonder mon imagination, Avec elle, je me laisse aller à l'abandon. Elle n'impose aucune loi, elle est mon obsession, L'écriture me sauve de ma folie. Je rêve de tisons Alors que d'autres s'entichent de la belle saison. Car, quand il pleut sur le jardin en friche, j'écris, Je me relève la nuit. A quatre heures du matin, Peu m'importe les heures. Blafard est mon teint, Tel est mon destin. Je ne demande rien, Juste poser mes mains et coucher sur le papier Mes états d'âme, à en perdre la raison. Aucun amant ne pourrait davantage me ravir. Je n'ai plus envie de partir en vacances, J'ai besoin de remplir mes jours d'errance, De noircir des pages, de taire cette vacuité Cette discordance, de trouver en moi cette absence, De faire éclore ce qui paraît indolore, incolore Et qui rend ma vie insupportable, encore. Je pense que bien peu peuvent comprendre. La faim ne tient désormais plus mon ventre. Car l'écriture est la nourriture de mes attentes. Les minutes où je n'écris pas, je suis mal, Malade, mal en point, j'ai le coeur-marmelade Qui bat la chamade. Mon cerveau rétrograde. Dans ma tête, mille idées se baladent, Dans un tintamarre ma foi, inconfortable. Alors je vis dans un monde inhabité, en rade Où j'arrête les montres, les secondes, les regrets Où les aiguilles des horloges ont décanillé. Je sens le plaisir jaillir au bout de mes phalanges, Je bénis les soirs d'été, du crépuscule, le dimanche. Je renais de mes cendres, je reprends racine, Dieu que j'aime, j'adore, je vénère les rimes, Les vers, les alexandrins, les points de suspension Et d'interrogation, les smiley, les émoticônes. Je suis devenue l'ombre d'un drôle de drone, D'une magicienne du temps, son icône. Dès l'instant où les mots s'arriment, Enfin, l'espoir me gagne; je m'anime Tel un acteur sur une scène, un mime. Sans elle, je suis un orphelin dans un dortoir, Des armoires, sont fermés à double tour les tiroirs. Mes yeux sont cousus. Les volets sont clos. Les rideaux sont tirés. J'ai perdu mes amis, Les verrous sont posés à même mon enclos. Je me suis retranchée tel un fou, tel un sage, Sous un ciel recouvert d'innombrables nuages. Je ne demande pas grand chose. Faites ce que vous voulez, ôtez des roses Les épines qui piquent mais laissez-moi... Laissez-moi écrire. Les lettres, m'en saisir, Des recueils, des opuscules, des billets de soupirs, Des chroniques, des livrets, apposer des tirets, Des accents circonflexes, balayer mes complexes, Sur l'écran, à même la nappe froissée, Ecrire, tel est mon unique souhait, s'il vous plaît Laissez-moi expirer en paix.
D'après une photo de Mos Merab Samii publiée avec son autorisation.
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