LE COUP DE FIL

"Tu ne peux imaginer le désir que j'ai ressenti En entendant les trémolos dans ta voix Et de ce fait, je ne m'y attendais pas. Cela peut paraître exagéré mais moi, Posée à même le plaid froissé du sofa Tel un rat mort, une abonnée aux absents, L'âme à tout va, torturée à fixer le néant, A zieuter les images défiler au journal télévisé. J'ai surpris le téléphone vibrer sur la table marbrée, Je le mets toujours sur silencieux pour être tranquille Mais mon coeur en pistil a bondi de ma poitrine. Ta voix douce et chantante s'est glissée en moi, Tels une offrande, une source de quintessence, le zéphyr, Un saphir, surgis d'un autre monde : un élixir de plaisir. Tu avais donc pensé à moi. Moi qui ne pensais qu'à moi, A mon dos couvert de courbatures, à mes doigts Qui ne répondent plus de moi... A mon arthrose, A mes armures qui guident désormais mes pas, A ma sinistrose, à mon ciboulot qui se nécrose. J'avoue que je ne vois guère la vie en rose. Levons notre verre à mon avenir en croix ! Et la simple idée que tu aies eu un tantinet Envie de me parler m'a extraite de ma torpeur. Pour peu, j'aurais eu envie de te revoir. De plus jamais avoir peur mais j'ai perdu l'espoir. En rien, je ne peux plus croire, ni aux lendemains Prometteurs, ni même aux au revoir. Ce soir, j'ai les yeux qui piquent et pleurent, Des larmes de frayeur à défaut de joie. J'aurais bien accepté que tu passes me voir Mais à quoi bon te laisser baiser mes lèvres, T'énamourer de mon corps qui s'enfièvre, Te hasarder jusqu'au creux de mes reins, Moi qui ne peux t'offrir, en somme, quasi rien. Si : le pouls de ma ferveur, le galbe de mes seins, Le ravissement de quelques heures sous le fil De ta passion et de ton ardeur, selon. Alors... Je me contenterai de ton coup de fil, Et m'endormirai, sous la garde du tison En me remémorant ce doux mois d'avril, De ces nuits d'abandon où le timbre de la ville A laissé le vent s'éprendre d'un accordéon"

D'après une photo de Nathalie Boileau, publiée avec son autorisation.