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Billet 9. S'endimancher

  • florencequoilin18
  • 7 mai 2017
  • 3 min de lecture

Tante Berthe allait arriver d'une minute à l'autre et je n'étais même pas prête ! Dans la cuisine alors que le poêle à charbon carburait tandis que peinait à s'installer la belle saison, je pris mon bain dans un foisonnement de mousse, où les senteurs mêlées du savon s'imprégnaient des moindres pores de ma peau. Il y avait même, dans la baignoire, des canards en plastique qui voguaient au fil de l'eau, ils fixaient de leur oeil critique les pans de murs recouverts de vieux carreaux. Mon regard était saisi par les volutes qui s'échappaient du bain bouillant, semblables à des bancs de brume qui s'allument alors que le jour s'éveille. Quelques cintres gardaient les vêtements du dimanche : la petite robe blanche à volants, en dentelles, celle qu'on avait achetée à l'occasion de ma première communion, accompagnée de son ombrelle et au pied de celle-ci, une paire de souliers vernis. Sans oublier le chapeau et les rubans colorés retenant mes mèches rebelles et désordonnées. Sous l'escorte de ce fil conducteur, à même l'évier où la vaisselle s'amoncelle, je fixai le tiroir à merveilles : y trônaient deux-trois colliers en perles, un bracelet en argent, des boucles d'oreilles, la bague de fiançailles qui choyait sous la bataille de pinceaux en lambeaux, un rouge à lèvres couleur vermeille, un peu de fard à paupières. Petite Mère avait, quant à elle, disposé sur la toile cirée de la table en bois, un menu de fête, une exhorte à ripailler, à emplir nos panses et à goûter au vin blanc légèrement rance. Tandis que j'avais préparé la soupe aux orties, la veille, Petite Mère avait cuisiné le roti orloff, acoquiné de croquettes maison où la purée mousseline avait épousé les grains de la chapelure, quelques flageolets aux aromates s'étaient invités et le gâteau de Verviers pour flatter nos papilles sonnait le glas de nos agapes. Ne restait plus qu'à boire le thé noir et extirper les derniers raisins de leurs grappes. Berthe avait stationné sa 2 CV dans la cour, sous l'oeillade des oeillets en parade et du marronnier en rade. C'était une dame de la ville. Si paisible et tranquille, érudite et bavarde, emplie d'empathie et de bravoure, et qui avait à coeur de nous rendre visite pour une poignée d'heures tout en nous honorant de sa belle humeur et de sa pointe d'humour. Nous attendions impatiemment la fin du repas car elle nous permettait de sortir de notre torpeur, de nos heures de fatigue et de labeur. Car nous voyions peu de monde, en somme... Surtout ma grand-mère. Aujourd'hui, nous allions flânocher à Durbuy ! C'était à l'ordre du jour. A bord de la décapotable, je n'avais pas assez de mes yeux pour admirer le paysage qui défilait, ces douces campagnes où les chevaux paissaient dans les prés sous la bienveillante oisiveté du dimanche. J'ai vu des pêcheurs au bord de la rivière mais aussi des rochers, des cascades, des marchands de fleurs et de fraises au bord de la route. J'étais plongée dans un autre monde alors que Berthe fredonnait des airs d'antan, des chansons d'autrefois, gaiement.♫ ♬ ♪ ♩

Voilà, nous étions arrivées, nous allions nous installer à une terrasse bondée, nous teinter du brouhaha ambiant, prendre un bain de foule sous la houle des touristes à la peau hâlée, faire tourner le présentoir des cartes postales, acheter l'une ou l'autre babiole qu'on poserait sur la cheminée, en guise de souvenir d'une belle journée. Restait juste à prendre notre petit café ou notre crème glacée, selon... ♫ ♬ ♪ ♩

Photo de Francis Martin, publiée avec son autorisation.


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