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VIVRE OU SURVIVRE

"Toi, l'ami, que je vois souffrir, te débattre dans d'amers souvenirs, qui n'aperçois plus le soleil qui brille, ni la lune qui scintille, dont l'esprit, plus jamais, ne s'émerveille, je t'invite à lâcher-prise, à baisser les armes, à taire tes vagues à l'âme, à avancer, coûte que coûte en dépit de tes peurs et de tes doutes. Toi, l'ennemi du hors-la-loi des sentiments aux abois, des manques et des espoirs vains, cesse donc de combattre et de te battre dans d'interminables batailles sans fin, celles qui ne mènent à rien et ne se nourrissent du champ que de la fibre de la paille. Sépare de l'ivraie, le bon grain. Toi, le pugilat des grands chemins où les baisers de miel papillonnent sous les ailes des amoureux baladins, tu n'es le gardien d'aucune source d'amour. Tu puises dans tes ressources ce qu'il y a autour mais tu as toujours craint le dédain, le pire, ce qui expire à défaut de ce qui émane, éclot et respire, tu entretiens une terre semée d'herbes sèches en désamour. Toi, le guerrier des chagrins, celui qui ne manque de rien mais qui attend tout, de trop, toujours plus, des autres et de toi, qui manque de confiance et de foi, tu es le plus pauvre, finalement, alors qu'en toi, tu portes tout l'or du monde dans chacune de tes mains et des cellules de ton cerveau, tant de lendemains. Ton univers se rétrécit à chaque fois que tu désires aller plus loin. Alors que tu grandis pas à pas, que tu franchis les étapes, tu dresses des barrières devant toi, tu vogues la galère alors qu'au fond, il ne faut attendre rien et fuir les ornières qui t'éloignent de ton destin. Juste laisser faire le temps, prendre patience, quelles que soient tes errances, laisser défiler les saisons car chaque année, reviennent à la même époque les hirondelles, au printemps. Je sais que le temps de la reconnaissance peut paraître long. Combien de fois n'as-tu pas renoncé, laissé au gré de ton imagination ce qu'il faut de courage et de force pour aller à l'encontre de leur abnégation, et cette énergie que tu as déployée en la posant à même le berceau de tes judicieuses questions. Alors que faire ? Attendre et prendre sur soi. Tâcher de comprendre ce qui ne se tolère pas. La vie est un jardin en friche dont le tempo, parfois, ralentit, parfois, s'accélère, progresse à son rythme lent ou soutenu, à la cadence des frondaisons sous le couvert de la pluie qui s'abat avec fracas ou de la chaleur qui laisse éclater sa joie, selon. Nous sommes des quatre saisons les cendres de l'hiver, l'éclosion du printemps, la clameur de l'été, les vapeurs de l'automne. Alors puise dans le puits de ton savoir et de ta science ce qu'il faut de maturité pour titiller leur médisance et l'éradiquer. Je sais, on ne t'a rien appris... Mais les excuses sont faites pour s'en servir. Je te demanderai juste un peu de t'instruire; de ton habitation, ouvrir les fenêtres, laisser entrer l'air, cesser de vouloir paraître, t'imbiber des senteurs de la nature, du vert tendre du feuillage qui s'éveille et des parfums de l'aventure des voyages. Ce n'est pas dans le luxe qu'on apprend le prix des choses, ce n'est pas dans les livres qu'on apprend aux arbres à bourgeonner et aux fleurs, l'efflorescence et l'envoûtement de leurs fragrances. Dans le biberon de notre enfance, on n'a pas placé des gouttes de souffrance, on n'a pas eu connaissance du goût du malheur et des distances, du mépris, de la solitude et du déni. N'oublie jamais que dès ta naissance, tu as braillé, tu as murmuré, chuchoté, parlé, à quatre pattes, de tes deux pieds, tu as commencé à marcher, à tenir dans tes doigts des crayons de couleur, à dessiner, à regarder, à observer, à fredonner, à chanter, à rire, à t'esclaffer, à étudier, à devenir ce que de toi, on n'aurait jamais imaginé. Alors bats-toi ! Envers et contre tout. Relève-toi et tiens-toi debout ! Par pitié, reviens... Reviens parmi nous. On a besoin de toi".

D'après une photo de Darko Ihas, publiée avec son autorisation.


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