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Billet 3. J'ai attrapé un coup de soleil.

  • florencequoilin18
  • 23 avr. 2017
  • 2 min de lecture

Ainsi, nous avions gagné quelques sous grâce au billet doux de loterie et, de commun accord, nous avions décidé d'aller voir la mer et pour ce faire, nous rendre à la Côte Belge, dans le Nord. Prendre un train, un tram, partir à l'aventure car nous n'avions pas de voiture et dans nos poches, aucune pièce d'or. Ni de crème solaire alors que nous étions toujours exposées au grand air. Ma grand-mère avait commencé à travailler au noir, aussi. Pour notre confort et pour régler les factures d'hôpital suite au décès de mon grand-père, Gérard. Elle s'affairait à la banque, le samedi matin, en tant que "technicienne de surface" comme on dit maintenant. Je l'aidais à prendre la poussière sur les beaux meubles, ceux que nous ne posséderions jamais mais je m'en fichais puisque nous allions partir à la mer ! :) Elle s'était renseignée sur les horaires : celui du bus et celui du train. Je crois franchement qu'on se réjouissait du jour d'après, du lendemain. Et même que, main dans la main, nous sommes parties, clopin-clopant comme dans la chanson d'Yves Montant ♫ ♬ ♪ ♩ ♭ ♪ Notre billet de train en main, nous nous en allions, gaiement ♫ ♬ ♪ ♩ ♭ ♪ C'était la première fois que Petite Mère prenait le train. Cela peut prêter à sourire mais les gens de la Terre vivent au gré des saisons et font face aux affres de la misère, sont sujets aux coups de tonnerre, aux gels intempestifs et à retardement, aux canicules qui basculent vers des frimas d'enfer, où tout ce qui a fleuri peut mourir tel un héros à la guerre. Je la revois encore, les yeux écarquillés, son postérieur posé à même la banquette en cuir dépareillé, à regarder le paysage défiler, dans le compartiment. Je n'aurais pas eu assez de mes yeux pour contempler ce spectacle unique mais si touchant. Dieu que j'aimais cette femme ! Si courageuse et digne. Elle avait porté, sur ses épaules, tant de poids et de guigne : celui de ma naissance, car ma mère m'avait laissée, au profit de ses errances, mon grand-père disparu et la ferme à tenir, au bout de ses bras. Qu'allions-nous devenir ? Nous ne le savions pas. Tandis que je voyais afficher un large sourire sur son visage las, j'avoue que j'avais envie de rire aux éclats ! Je l'imaginais déjà devant les vagues qui s'enroulent, le cri tonitruant des mouettes, les lunettes posées sur la tête, les heures creuses qui s'écoulent, le bleu du ciel, le jour qui s'incline, et même qu'un coucher de soleil s'y serait invité, comme par merveille... Je me languissais de la voir poser un pied sur le quai, de l'autre côté de la Belgique, respirer l'iode à pleins poumons, aller à la rencontre des pêcheurs de crevettes à défaut de thon, ou tout simplement suivre le fil de ses émotions... AUTEUR DE LA PHOTO : Emanu Ele Timpone, publiée avec son autorisation


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