LE PETIT CHAT EST MORT
- florencequoilin18
- 17 avr. 2017
- 2 min de lecture
Lettre à Jacques : J'avoue que je ne savais pas quoi te dire ce matin-là et alors que l'écho de mes mots en désarroi tâchaient de tarir la source de mes émois, j'aurais bien eu à l'idée de te retenir, à tout jamais. J'eus la tentation de prendre à témoin la nappe en papier qui ornait cette table dépareillée et y coucher sous l'encre de mes regrets ce billet écorné provenant des tréfonds de mon âme, où mes doigts glacés se seraient posés à même le clavier, t'avouer ce que jeunesse ne peut mais se pâme, et ce qu'elle ne croit en Dieu, au diable l'affluence des blâmes ! Alors que la verve qui m'anime et dont je ne suis en aucune manière l'esclave, car je suis un être libre qui s'exprime, je te saurai gré de lire ces quelques lignes :
"Mon cher Jacques, lorsque je t'ai rencontré, nous avons discuté, de tout et de rien, comme deux baladins, des témoins orphelins du présent, nous avons juste lié connaissance. J'aurais pu t'honorer de ma confiance mais je peux t'affirmer que j'étais à cent milles lieues au gré de mes errances de t'offrir mieux en partage que l'or pieux de mes beaux yeux. Car tu aimes mon regard inquisiteur comme tu le décris, mon sens de l'observation, mes yeux qui se baladent partout à la fois, qui balaient d'un revers de paupières la taverne qui nous cerne et se posent sur tout un chacun et cela te fascine comme d'autres s'y enferment ou s'y perdent. Enfin bon... Avançons ! La truite et l'hameçon ! Tu y ferais naufrage et y laisserais, frustré, ton appétit profond. Alors je t'invite à scruter le ciel à l'horizon ! Ces lourds nuages sans façon qui flagornent le paysage tels des bouts d'ouate, ils flattent le décor en un tournemain, juste ajouter des arbres en guise de bienveillants compagnons de lendemains. Une douceur de vivre où je nous convie, un tapis de plumes où nous pourrions nous poser, blottir nos coeurs en nous imprégnant de vers de lecture orgueilleux. Comme la vie serait douce, pendue à ton cou, à tes lèvres, à tes rêves audacieux et fiévreux, à t'écouter durant des heures jusqu'à en taire mes inopportunes aigreurs. O Seigneur, qu'ai-je donc fait pour mériter ça ? Pour te couvrir d'autant de tendresse, courir vers toi sous la noblesse de mon allégresse, légère comme une robe de tulle, plus vaste que le néant. Plus jamais, je n'aurais à l'esprit de partir alors que tu occupes tout l'espace. Mais bon alors que je me lève, que le réveil sonne, que le nouveau jour se blesse au contour de tes absences, je prends conscience que je n'ai plus vingt ans... J'avais juste oublié mon âge... Et surtout le tien... A coeur vaillant ... Mais bon, soyons raisonnables à défaut d'être inconscients... Pauvres malandrins de nos amours en rade... Tandis que tu dors, mon Amour, je m'en vais crever au pied de ton alcôve... Et bien oui, le petit chat est mort, à défaut d'avoir osé espérer...." :(
D'après une très belle photo de Chérif Benabid, publiée avec son aimable autorisation.
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