JUST MARRIED
- florencequoilin18
- 17 avr. 2017
- 3 min de lecture
Jacques avait déménagé. Je m'investissais beaucoup dans mon travail et disposais de peu de temps pour nous rencontrer. Je vivais toujours à la campagne et lui s'était choisi un appartement au centre-ville, à Liège. L'homme me fascinait toujours autant par sa prestance, son charisme, sa joie de vivre, son intelligence. Il était mon tout et moi, sans lui, j'avoue que je n'étais rien... L'ombre de son chien comme avait chanté l'Artiste, il y a quelques décennies ! Il était loin ce temps béni où nous prenions la Vieille Cox pour nous hasarder jusqu'à la mer, pour nous imprégner des parfums estivants des beaux jours... Oh mon Amour, comme tout me paraissait être éteint. Je portais sur mon visage en guise de fard un teint blafard, j'étais hagarde, perdue dans mes vêtements trop larges, je sanglotais tel un nourrisson à l'abandon. Je t'avoue même que j'avais posé à même les cintres du portemanteau une mine patibulaire au détriment de mon sourire légendaire. Nous devions nous revoir pour le Nouvel An chinois mais tu n'avais pas (plus) le temps... Tu devais ranger tes petites affaires.. On s'était quelque peu engueulés au téléphone car je pense que ce sont des choses bien secondaires, somme toute pas nécessaires. Enfin, chacun vit comme il l'entend... Alors je suis descendue en ville, ce dimanche. J'ai pris le premier train et me suis arrêtée en cours de chemin. Besoin de prendre l'air et de taire mes tourments. Tu m'avais octroyé ce rendez-vous. Dorénavant, tu déserterais notre taverne, celle où nous nous étions rencontrés. Alors que je me blottissais au creux de tes bras, je me suis mise à pleurer à chaudes larmes. Tu m'as rassurée et m'a susurré à l'oreille "calme-toi, mon petit chat". Mon Dieu, comme je t'aimais... ! Nous avons pris un café dans un endroit inanimé, où seules des poupées de cire auraient pu rire aux éclats, où des âmes en peine se mouvaient dépourvues d'apparat, un décor de rame de quai de gare où même serait muette une fanfare, bref rien de beau ni d'attrayant ou de coquet, aucun air de fête, et tu as lu dans mon regard que je m'ennuyais, or c'était la toute première fois. Nous nous sommes ensuite baguenaudés dans les rues car les commerces avaient exceptionnellement ouvert leurs portes. Nous nous sommes promenés rue Saint-Paul et là tu m'as demandé ce que tu pourrais m'offrir pour me faire plaisir ! Bras dessus, bras dessous, nous marchions et plaisantions, choisissant au gré du hasard une silhouette qui aurait pu nous inspirer un croquis, un dessin, un écrit, peu importe, puisque nous nous proclamions être des artistes, des artisans du moment présent. Tu m'as fait miroiter un collier en perles, des chocolats à en attraper une crise de foie, des fleurs à en perdre l'odorat, bref tant de choses dont je n'avais que faire... Puis nous sommes arrivés à la tombée du jour devant une vitrine où l'on vendait des voyages ! Et oui, cela existe : vendre du rêve ! Nous avions bien ri mais je prenais conscience de tout ce qui nous sépare : toi l'Homme de la ville, moi, la fille de la campagne... Toi qui riais de moi alors que je vagabondais, en sifflotant, les mains dans les poches, les bottes boueuses à travers les champs et toi, si élégant, chapeauté et tes chaussures cirées telles des pompes funèbres... Et bien, je vais te dire, Jacques ! La seule chose que j'aurais aimé que tu m'offres, et ça, tu n'y as pas pensé, n'a aucune valeur, la seule chose qui m'est venue en tête, c'est le cadeau de ton coeur, j'aurais simplement souhaité que tu daignes me demander de t'épouser. Alors voilà, je pense qu'on commence à se connaître un peu mieux... Alors que le feu brillait encore dans mes yeux, tu n'as pas compris ni saisi mon profond désappointement. Alors brutalement, je t'ai lâché la main et ai pris mes jambes à mon cou... Enfin tout ça pour te dire que je pense bien qu'entre nous, c'est terminé... La juste valeur de nos sentiments, à mon estime, se résumait à ne plus jamais se quitter or il n'y a pire sourd que celui qui ne veut entendre et plus blessant que ce silence effrayant tel un voile qui nous recouvre et nous anéantit alors que nous sommes encore vivants. Sadness and sorrow, goodbye, my love, goodbye. Je suis ravie d'avoir fait ta connaissance. Qui sait, un jour, peut-être...
D'après une très belle photo de Camilla Guns.
Comments