A EN PERDRE LA RAISON... ♫ ♬ ♪ ♩ ♭ ♪

J''avais pris conscience que j'aimais Jacques, d'une tendresse profonde et indéfinissable. Dans les tréfonds de mon âme, son esprit m'habitait, m'envoûtait, réchauffait mes mains glacées, baisait mes lèvres gercées, adoucissait mes jours ténébreux, taisait mes accès frileux ou mes élans fiévreux, selon. Jacques occupait mes pensées comme le sable est à la mer, indispensable, enfin, j'ose le supposer... Les voeux de la nouvelle année m'avaient décontenancée ! Ils ont commencé à fleurir sur les réseaux sociaux, et à même mon vieux téléphone portable, le 31 décembre dernier. Quelques jours se sont écoulés depuis lors et je ne devrais même plus y songer mais je me pose une question existentielle : comment tant d'hommes que j'ai refoulés, découragés, occultés peuvent-ils encore daigner me contacter ? Je ne comprends pas, j'ai dû louper un épisode.... A vrai dire, je suis très curieuse de nature. Lorsque je rencontre un énergumène du sexe opposé et que je me mets à discutailler avec lui, très souvent, cela débouche sur un rendez-vous. Donc, en toute logique, on se retrouve dans une taverne, on parle de tout et de rien, parfois on termine la soirée dans un petit resto sympa et le gars me ramène à la maison sans entrer ! Et oui, je ne laisse jamais entrer le gars à la maison... Pourquoi ? Parce que ... Je n'en ressens ni le besoin, ni l'envie.. Parce que j'ai peut-être (souvent, très souvent même) passé une très mauvaise soirée où je n'ai rien appris, rien compris... Bref affaire classée ! Dossier archivé... ! Je suis dure, je sais. Donc ces heures passées avec ces gars qui, somme toute, m'ont bien plu physiquement mais qui, pendus à mes lèvres, ressemblaient à des harengs, avec leurs yeux de merlans frits à me zieuter, à me deviner et bien heu, comment dire, je préfère les oublier sauf que........... ils ont gardé mon numéro de téléphone portable donc.. une succession de voeux de soupirants indésirables, intolérables, impalpables, des êtres incultivables, semblables, indéfendables, ingérables; enfin, vous avez saisi, je pense... S'ils préfèrent le saumon au thon, je privilégie les harengs qui, en toute saison, ravissent mes papilles gustatives. Enfin ceci dit, j'ai eu droit à tout : les incontournables, les indémodables, les imperméables, les insoupçonnables, les inépuisables, les intarissables, les irremplaçables (sic), les insupportables, les indécrottables, les rats d'égouts et d'étables... Tels des crapauds baveux, ils m'ont suivie à la trace, à la surface de l'eau, ils s'imaginaient pouvoir faire croasser la grenouille qui sommeillait en moi... Mais comme ma petite cervelle bouillonne autant qu'elle s'émerveille, je me demandais pourquoi ces gars-là s'accrochaient à moi. Je ne suis pas une étoile, je n'ai rien promis, signé aucun pacte ni lettre de noblesse. Que je sache, je ne possède ni coffre-fort, ni compte en banque planqué, ni trésor caché, je ne suis rien de plus qu'une femme ordinaire, en somme ... J'étais en train de réfléchir à tout ça, perdue dans ma bulle de rêverie, lorsque Jacques m'a téléphoné. Il a pris de mes nouvelles alors que c'est de lui, uniquement, que j'en attendais. Je lui ai dit que j'allais comme on peut aller et que j'espérais le revoir, le respirer, m'imbiber de sa présence, si faire si peut, à tout jamais.. Jacques m'a répondu qu'il m'attendrait demain, vendredi 13 à 13 h 13 à "La treize à la douzaine", où nous n'avions jamais mis les pieds... "Affaire à suivre"... Et comme invitée: Dame superstition ! Tiens, justement, je me posais une dernière question... enfin une supposition... au clair de ma terrible imagination, à l'instar de mes appréhensions, au mépris de certaines aberrations, et bien oui, Jacques... si nous nous trouvions... Un p'tit endroit où poser nos coeurs à l'unisson... ?

D'après une très belle photo de Itzik Avigur, publiée avec son autorisation. Je me permettrai d'ajouter que j'adore ce texte, je le trouve vraiment très comique et tellement réel...

ITZIK AVIGUR