SEULS AU MONDE
- florencequoilin18
- 15 avr. 2017
- 2 min de lecture
Toute la journée, j'avais pensé à lui, inlassablement, éperdument... J'avais fixé les règles du jeu, dès le départ. Je savais pertinemment que je squattais les vaisseaux ardents de son coeur et moi, dès l'instant où je l'apercevais, je ne parvenais plus à contenir mon émotion. Tous ceux qui nous entouraient nous médisaient, nous maudissaient ou nous jalousaient; le brouhaha de leur caboche en manque d'essence émotive ne nous contaminait heureusement pas. En aucune manière, nous ne nous ressentions la pollution des assauts de leur curiosité malsaine et nuisible. Mais si souvent, il me plaisait à lui souffler à l'oreille qu'alors que "Les chiens aboient, la caravane passe, Jacques..." et lui de me rétorquer qu'on aurait pu faire passer le chameau à travers le chas d'une aiguille... Pour le dire platement, nous emmerdions le peuple ! Et nous nous en gaussions dans un éclat de rire tonitruant, peut-être à nos dépens mais au su et au vu de tout un chacun. Nous nous excluions volontairement des sarcasmes et des qu’en-dira-t-on, où notre sourire flottait à la surface des bulles de champagne de nos retrouvailles au pétillement de tendres fiançailles omniprésentes. Un mercredi matin sur la terre et tant à faire... Tandis que Jacques se complaisait à vivoter dans son petit appartement urbain, je rentrais le soir, dans mes douces campagnes cuisiner, écrire et me reposer au mépris des bruits de la ville. Ainsi donc, nous ne nous reverrions que samedi, au mieux... Après tout, nous étions tellement imprévisibles que je ne pouvais présager de rien. Et puis derrière les murs d'absence et de silence, au détriment des au revoir et des adieux, alors que je m'imprégnais encore et toujours des parfums d'autrefois, je me nourrissais de l'écho hivernal de nos fragrances en devenir. Mais mon imagination était tellement fertile, à chaque instant, telle une eau vive qui ruisselle dans un désert aride, que je nous ai imaginés, amants, plantés face à ce décor estival, un coucher de soleil en ligne de mire, planqués derrière une guirlande de verdure dès lors que la nature enchanteresse s'était éteinte depuis si longtemps déjà, et alors que l'hiver alimentait mon vague-à-l'âme. En fait, d'un saut de puces, nous étions plongés au coeur de l'été. Seuls au monde. J'ai rêvé de ce paysage empreint d'une grande sérénité, où nos regards émerveillés se seraient imbibés des embruns, de cette ambiance teintée de rêverie, où nos sens se seraient découverts, où nous aurions pu nous aimer de tout notre soûl, et surtout, nous l'avouer. Je ne sais ce qui soudainement s'est passé mais un quidam s'est avancé vers moi et m'a interrogée : "dites, mademoiselle, le train est à quai !"... et j'ai pris conscience que j'avais perdu la notion du temps et que je devais rentrer mais à mes risques et périls... J'étais bien loin de chez moi, j'avais occulté l'arrêt alors je me suis dit que j'allais m'emparer de mon téléphone et appeler Jacques... Peut-être pourrait-il venir me rechercher ?... Enfin, j'ose l'espérer...
D'après une de mes photos prises à Petra, sur l'ile de Lesbos, en Grèce, juillet 2013.
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