LES COUETTES POURPRES
- florencequoilin18
- 15 avr. 2017
- 2 min de lecture
Jacques et moi avions décidé de partir en voyage. Déjà près de deux ans que nous nous côtoyions et nous avions envie de découvrir le Monde, un autre univers que nos dimanches d'hiver ouatés blottis l'un contre l'autre auprès de l'âtre ou ceux d'été où de nos semelles empoussiérées, nous battions les pavés des villes touristiques ou empruntions plus volontiers encore les sentiers de campagne avoisinants. L'été pointait le bout de son nez lorsque nous décidâmes de lever les voiles. Personne ne nous attendait, nous étions libres comme l'air. Dans la vieille Cox aux couleurs démodées, nous avons glissé notre bagage à main et notre pique-nique. Nous avons emprunté la Nationale et avons longé les champs flattés par des bouquets de coquelicots où les papillons voltigent en maîtres sous l'éclat du soleil. Même qu'on aurait pu apercevoir des tournesols si nous avions été en Bourgogne mais nous avions idée de nous rapprocher de la mer, en respirer les embruns, nous éblouir des ressacs et de ces vagues qui claquent au son du vent, emporter avec nous les odeurs iodées d'un passé non révolu. Car la mer est intemporelle, si fragile et captivante. Dans la mer, on retrouve une part de son enfance. Enfin, je le pense... Tous nos souvenirs maritimes nous ramènent à notre âge tendre et notre insouciance. C'est ainsi que je me souviens, gamine, la risette affichée sur mon visage encore lisse, les couettes pourpres si indélicatement attachées, courant après mon cerf-volant... J'avais quel âge encore ? huit ans ? Ma mère avait couvert mes épaules d'un petit top couleur turquoise, je ne sais pourquoi elle a pris ce cliché à ce moment-là alors que je lui tournais le dos. J'aurais aimé qu'elle me voit sourire, qu'elle capte cet instant magique et furtif. Mais elle a imperceptiblement pris en otage ce bonheur ineffable qui s'emparait de moi, sans même que je m'en aperçoive. Des années se sont écoulées depuis que du haut de mes trois pommes bien gardées, j'ai gardé à l'esprit de ne jamais laisser longtemps de côté ma jovialité enchanteresse. Certes, je n'ai pas su rattraper mon cerf-volant, il s'est envolé... Mais j'ai toujours dans un coin de ma tête le cri des mouettes, le bruit des vagues et le picotement du sable brûlant sous la plante de mes pieds, le bleu du ciel, les bouées échouées le long des côtes dorées et le goût des crevettes. Je ne sais pourquoi je pense à cela soudainement... Jacques me regarde sourire, hébété; sous le couvert de ma torpeur et hors du temps comme si des horloges, les aiguilles s'étaient arrêtées de tourner.
La morale de cette histoire et bien je dirais que pour autant que l'on garde son âme d'enfant et que l'on avance le sourire aux lèvres, plus grand chose n'a vraiment d'importance... Car le sourire est contagieux... comme la maladie, pour certains... Je sais, cela peut paraître naïf mais après tout, je ne demande à personne d'emboîter mes pas si lourds soient-ils parfois sous le poids du sable mouillé qui, souvent, semble peser des tonnes mais après tout, l'eau limpide n'est jamais très loin pour extraire et purifier ce qui nous encombre et nous empêche de grandir"
D'après une photo de Christian Molitor, publiée avec son aimable autorisation.
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