SAUVE-TOI !!!
- florencequoilin18
- 3 avr. 2017
- 3 min de lecture
"Dès la naissance, on t'a placé des mots glacés dans la bouche en guise de biberon, tu les as absorbés sans te poser trop de questions. Et depuis lors, tu as erré à même un circuit bien louche semé d'abnégation, au détour d'un tunnel sombre où l'on t'a cadenassé le ciboulot. Tu n'as pas eu droit au chapitre, ni à la réflexion, ni à d'éventuelles répliques, voire d'interrogations. On t'a inculqué des valeurs d'abomination, ancestrales à l'envi qu'on pourrait tourner en dérision. Victime de la manipulation. Tu bois les paroles de tes géniteurs comme d'autres interprètent des paraboles, dénué d'instruction mais tu mènes à son terme ta digne satisfaction. Tu ne manques de rien, tu n'es pas un vaurien, tu as grandi l'esprit tranquille, sans arme ni béquille, mais jamais tu ne t'es remis en cause et, si souvent, tu t'ennuies sans raison. Tu as l'excuse de ta jeunesse. De ton avenir, aucun rêve ne se profile à l'horizon, aucun doute ne te guette, tu n'es ni un trouble-fête, ni un garde-fou, en aucune manière, un trublion. Au masque de tes illusions, j'ai osé me faufiler à travers les mailles de ton être pour t'ouvrir les yeux, loin de moi l'idée d'être la gardienne de tes lieux inhabités, mais alors que la porte était ouverte, bruyamment, tu l'as claquée. Peut-être as-tu eu peur de décevoir les tiens, ne pas les offusquer, ne pas blesser tes amis, tes voisins, va savoir. Mais là, tu ne me donnes plus le temps... De l'ombre, je ne suis plus que ton chien. As-tu manqué de courage, d'audace ou simplement de curiosité pour pallier à tes carences ? Qui le sera jamais ? Ne connaît le printemps, celui qui traverse l'hiver, ne frissonne sous le glas du froid celui qui brûle dans les flammes de l'enfer. J'ai vécu comme toi, je suis passée par là, il n'y a pas si longtemps, déjà, il y a trente ans. Ancrée dans le berceau de l'ignorance, j'ai fui cet univers hostile et malséant. J'ai voulu connaître le monde, qui me paraissait beau, puissant et grand et d'un coup de talon, j'ai pris mon élan ! Excuse-moi d'avoir bousculé un tantinet, un tant soit peu, tes certitudes aux épousailles desquelles se mêlent tes bien funestes habitudes. J'aurais eu envie que tu te casses la figure de temps à temps, que tu te prennes une baigne, un mauvais coup, que tu rencontres des gens qui te blessent, que tu verses des larmes de sang. Non pas que je te veuille du mal, je ne suis pas un animal, juste que tu te relèves et que tu avances, que tu apprennes, que tu les laisses, ceux qui te prennent encore pour un enfant. Tu ne m'en voudras pas si je m'esquive. Je ne me nourris ni de regrets, ni de grives. Alors que le soleil apparaît et fait fondre sur l'herbe fraîche, le givre au péril du printemps, j'aurais espéré t'emporter tel un guide, te laisser entre'apercevoir un autre horizon. De mes mains, je t'ai offert les clés mais, tu les as paumées. Au fond du puits, elles se sont échouées. Je te dirais bien d'aller les rechercher mais je devrais pour ce faire, t'apprendre à nager. Mais tu vois, je commence doucement à me fatiguer..., pardonne-moi d'avoir cessé d'espérer. Le décor est très beau, immaculé mais j'ai sommeil, je vais décaniller. Sauve-toi de tes chimères imaginées, c'est le seul conseil que je puisse, en toute simplicité, te donner".
D'après une très belle photo de Marie-Claude Mamie Fosse.
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