top of page

UN ZESTE DE SAGESSE

  • florencequoilin18
  • 1 avr. 2017
  • 3 min de lecture

D'après une très belle photo d'Olivier Damanet, publiée avec son aimable autorisation.

"Il s'était levé de très bonne heure. Cela ne le gênait nullement. Il aimait respirer le silence et les embruns imaginaires des collines dévastées tandis que le monde se repose encore. Chausser ses bottes de marche, préparer son sac à dos en jute, son lourd manteau de péquenaud, un couvre-chef et des gants, une bonne écharpe en laine aussi car il craignait le froid. Il avait cette hantise de tomber malade comme on dit par chez nous... Surtout ne pas attraper froid par peur de devoir rester cloué au lit, immobile et surtout inutile, à son estime. Solliciter la visite du médecin, ingurgiter des médicaments. Rien qu'à l'idée que cela aurait pu lui arriver le rendait malade. Malgré son âge avancé, à l'automne de sa vie, il aimait apparaître en primeur face à l'aurore, contempler l'heure bleue où aucun quidam ne s'aventurerait dans ces campagnes figées. Alors qu'il avait stationné sa petite auto, il regarda autour de lui et s'empara de son appareil photo. Le givre recouvrait les prés, certains arbres s'acoquinaient sous le cri strident de quelques oiseaux de passage, dévoilant au gré de leur présence le mystère de l'endroit. Quelques vaches paissaient au loin. Il était bien derrière lui ce temps où les ballots de foin décoraient les prairies. Même qu'au loin un vieux tracteur qui avait trop bien vécu caressait le mutisme de ce village endormi. Tandis que la brume, reine souveraine de ses pupilles émerveillées, s'évaporait sous un ciel bleu azur qu'on aurait pu se croire transportés en été, il emboîtait ses pas dans les herbes d'où des perles apparaissaient au bout des tiges, des gouttes de rosée. Le petit ruisseau était à même de bondir de son lit car il avait beaucoup plu ces dernières semaines. Et si d'aventure le caprice des feuilles accrochées aux arbres devait être contrarié, celles-ci devraient bien se résigner à tomber à même le sol voire s'envoler. Pour en revenir au vieux pèlerin, celui-ci décida soudain de s'asseoir sur un banc. Il se sustentait du soupir du crépuscule. Il s'est dit que sa vie avait bien été remplie, qu'il avait eu de la chance d'avoir pu poursuivre de bonnes études, d'avoir fondé une famille, voyagé un peu partout, découvert d'autres cultures, rencontré des gens somme toute bien peu ordinaires, être en bonne santé mais il avait à l'esprit de s'extraire du monde réel pour en taire les bruits et se nourrir de ses absences à l'abri d'une société qui commençait passablement à le fatiguer. Subrepticement, il est sorti de sa torpeur, laissant sur le côté ses rêveries tels des confettis déconfits. Il fallait repartir avant qu'un badaud ne se méprenne à l'apercevoir et à s'emparer de sa solitude illusoire. Au mépris des minutes qui s'égrenaient, il marchait et la bruine avait masqué sa vue, ralentissant son allure. Il n'en revenait pas ! Alors que le bleu du ciel avait semblé occuper tout l'espace, le crachin, en triste sire, venait taquiner ses espérances ! Mais ce cul-terreux était une personne persévérante et déterminée et loin s'en fallait pour que son échappée hors de la réalité se distille dans les méandres d'une quelconque et banale contrariété. Il s'était fixé un but : celui de déambuler tout au long de la journée, errer, buller, se baguenauder et prendre le temps de vivre, rien de plus, rien de moins. Même si des hallebardes devaient ruiner ses espoirs, au grand dam des vents qui pourraient tournoyer, voire même le déstabiliser, il continuerait sa route, les pieds mouillés, le dos courbaturé car jamais, il ne courberait l'échine. La morale de ce texte est quoi que vous ayez décidé, malgré les orages de la vie, les échecs, les écueils, les traumatismes, ne vous laissez pas abattre, combattez ! Faites les choses en toute simplicité sans exiger que de l'or vous en trouverez dans les champs ni qu'un pétale de rose vienne parfumer votre dimanche alors que les roses sont fanées depuis si longtemps".


Comentarios


© 2023 by The Book Lover. Proudly created with Wix.com

  • Grey Facebook Icon
bottom of page