LA REPUTATION

"Je m'emmerde, je suis laid, je suis vieux, Hideux sous mon manteau de pluie trop onéreux, Perdu parmi la jeunesse étincelante et aimante. Je me sens seul : mes amis sont morts, Jusqu'au canari qui, de sa cage, s'est enfuit ! Je me plains, je n'existe plus, je suis retors Tel un politicien corrompu, je ne suis plus. Mes enfants sont casés, ils n'ont pas le temps Ah les weekends, si vous saviez, les journées Comme elles paraissent longues et chagrinées ! L'été n'existe pas ! Les volets sont fermés, Le soleil dort au creux de mes regrets, Je suis devenu borgne, geignard et niais, Un flagorneur même que je ne souris plus jamais. J'ai mal partout. Mon ciboulot s'ankylose, J'expire mes maux par les pores de ma névrose. Je broie du noir. Je retire les épines des roses Car je ne sais plus quoi faire de mes matinées. A même l'oreiller, sur mon lit dévasté et glacé, Je tourne les pages de stupides ouvrages. Mes dessins ont crevé les feuilles de papier Jusqu'à en casser la mine des crayons désabusés. J'avais un bon métier, j'étais architecte, respecté Honorable et doté d'une situation dorée, D'une mémoire infaillible, voire même redoutée. Je ne crevais pas la dalle, admiré j'étais Coulait le champagne à flot partout où j'allais. J'ai voyagé beaucoup, j'ai tout connu, tout vécu J'avais du beau monde dans mes relations, Je pouvais parler de tout car j'ai de l'instruction ! Même que j'avoue être un franc-maçon. De toute façon, je vous méprise, les sagouins Ceux qui n'ont pas de toit et qui, selon moi, Ne valent rien ! En fait, du coeur, je suis frileux, Ou bien pire que ça sauf que je me prends pour Dieu ! Et là, j'avoue : je m'emmerde, je suis laid, je suis vieux Je change de trottoir là où s'enlacent les amoureux, Je me lève à toute heure du jour et de la nuit Regarde par la fenêtre, écarte les rideaux, De toute manière, à voir, il n'y a rien de beau ! Je renais de la terre : un rat de caniveau Alors que j'aurais pu être un sportif de haut niveau"

D'après une très belle photo de Marc Welsch.

MARC WESLCH